Nous étions nombreux à vouloir retrouver Senua après son aventure très personnelle il ya 7 ans déjà. Annoncé en même temps que la nouvelle Xbox de Microsoft, notre héroïne tourmentée est enfin de retour dans une nouvelle Sága avec un Hellblade II chargé en… eh bien beaucoup de choses. Autant vous le dire tout de suite, nous ne sommes pas sortis indemnes de ce voyage, à l’instar de notre guerrière picte elle-même et de tous ses camarades.
Après avoir défié les dieux pour parvenir au deuil de son bien aimé dans les terres interdites, nous retrouvons Senua capturé par des esclavagistes issus du nord. Tandis que le bateau est pris dans une violente tempête, elle est projetée dans la mer, et dérive juqu’au large d’une terre : l’Island. À compter de ce moment, notre guerrière picte part en quête pour comprendre ce qu’il se trame derrière ces captures. Mais cette terre a bien plus à lui donner pour son propre destin, c’est ce qu’affirme Fargrimr, un sage qu’elle rencontre et qui semble bien mieux voir en elle que tous avant lui.
Hellblade 2 est principalement narratif ; en cela, nous ne nous attarderons pas trop sur l’histoire afin d’éviter tout spoiler. Sachez que le nouveau voyage de Senua est bel et bien plus « ouvert » aux autres – dans le sens où la quête ne concerne plus uniquement notre protagoniste, mais bien tout un peuple victime d’une menace plus grande encore ; explorant certains des mythes nordiques tout en créant un lien perpétuel avec notre héroïne et ses propres pensées sur son état, son héritage et les choix qu’elle va devoir faire pour son avenir.
C’est avec sa deuxième et troisième lecture qu’Hellblade 2 trouve sa force. Une grande partie de l’histoire est imagée, poussée à l’extrême dans une autre réalité frôlant l’abstrait par moment. Un véritable coup de maître, à condition d’avoir l’appétence de ce type de proposition. Le titre cherche et joue avec notre propre perception des choses, nos propres angoisses. Il nous incite à douter comme notre personnage ; en cherchant le raisonnel là où il n’y en a pas ou, au contraire, à nous laisser nous immerger dans la folie de ce monde.
En cela, si Hellblade premier du nom ne vous avait pas convaincu, il y a peu de chance que celui-ci parvienne à retenir votre intérêt. Le jeu demeure lent, contemplatif, et la marche y est omniprésente sans jamais chercher à proposer autre chose dans ses mécaniques, ou si peu que cela devient anecdotique.
D’un point de vue gameplay, le titre est assez classique – banal même. Vous avancez sur une ligne relative droite disposant de quelques annexes pour la petite poignée de objets de collection à peine dissimulés. Vous êtes amené à faire face à différents énigmes, visuelles pour la plupart, en jouant avec le physique et l’environnement du jeu. Rien de bien complexe néanmoins, tant que vous avez un minimum de logique et d’observation. La plupart des marques ou symboles à trouver son grossièrement mis en avant avec la fameuse technique de la peinture jaune ou rouge bien flagrante.
De même, les combats se résument à une attaque rapide, une attaque lourde et un système de défense le plus simple possible vous demandant de parer ou d’esquiver au bon moment. N’espérez pas de mécanique de combo ou toute attaque spéciale, mais un simple miroir qui vous permettra, pendant un court instant, de ralentir le temps pour agresser votre adversaire, ou vous sauver in extremis du trépas. Un rendu donc très (voir trop) sommaire, couplé avec un « bestiaire » se comprenant sur les doigts de la main, accentuant l’aspect répétitif des affrontements. En difficulté supérieure, ces combats gagnent en intensité seulement par l’ampleur des dégâts infligés par l’ennemi.
En somme, ce n’est pas par son gameplay que le jeu vous durera en haleine, mais bien par son histoire d’abord, puis la mise en scène qui l’accompagne. Car nous avons là un, si ce n’est le grand monstre de l’année sur le sujet.
D’abord, parlons de la technique. Si vous avez regardé quelques trailers du jeu, vous avez un aperçu du rendu phénoménal qu’Hellblade 2 dispose. Le jeu est tout simplement bluffant dans son photoréalisme. Entre les textures des décors, la projection impressionnante des lumières et, enfin, l’expression et les détails des différents personnages, tout, absolument tout est sublime. Nous avons ici un très bel exemple ce que l’Unreal Engine 5 a dans le ventre. Certes, nous prévoyons affirmer qu’il est plus simple d’avoir une telle réalisation pour un jeu dirigé comme l’est ce nouvel opus de la saga de Senua. Cependant, d’autres jeux avant ont tenté ce type de proposition. Force est d’admettre qu’aucun n’aura eu une telle fidélité à la réalité.

Cette fidélité est d’ailleurs primordiale pour permettre l’immersion optimale du joueur. Il faut admettre que les différents sévices subis par Senua sont autant plus percutants avec un tel réalisme. De même, que dire de la qualité sonore du jeu, hormis en félicitant le travail de l’équipe ? Tous les sons (captés pour la plupart en pleine nature par ailleurs) sont d’une précision indiscutable. Puissants quand ils le doivent, d’une finesse absolue pour habiller un environnement reposant, le soin se fait ressentir à chaque seconde que nous parcourons le titre.
Les voix omniprésentes des furies de notre héroïne jouent sur notre état. Apportant le mal-être, le doute, ou la certitude quand elles décident de vous aider. Mais il y a aussi les hallucinations alentour. Au loin, le cri d’un homme semblant lancer à la mort, aussitôt étouffé par une vague s’écrasant sur un rocher. Les pleurs d’un bébé alors que l’on entre dans la maison d’un village ravagé et finalement vide. Le craquement de ce qui semble être un ossement sous vos pieds tandis que vous marchez dans une grotte sombre – et, soudain, un bruit derrière vous.
Vous vous questionnez en tant que joueurs. C’est alors que les voix vous invitent à accélérer. Vous ne devriez pas être là ; quelque chose est derrière vous, autour de vous, partout. Alors vous courez, et les voix s’intensifient. Elles hurlent et accentuent votre stress. Et si… il n’y avait rien au final ? Tel peut être votre session de jeu par moment – je ne vais pas vous cacher qu’Hellblade 2 a réussi à éveiller en pleine journée ma claustrophobie alors que j’étais bien installé dans mon salon.
Évidemment, une bonne histoire, qui plus est aussi personnelle, ne peut être portée sans un jeu d’acteur convaincant. Sur ce point, chacun des protagonistes est porté par un jeu irréprochable. Mieux encore, cela tiendrait du blasphème que Melina Juergens, interprète de Senua, ne gagne aucune récompense suite à sa prestation magistrale.
Dire qu’Hellblade II allait être un voyage perturbant n’est pas une surprise. Qu’il le soit à ce point, cependant… Ce nouveau périple en compagnie de Senua fut éprouvant, épique, humain, viscéral, chargé d’émotion – parfois même dans notre propre esprit. Hellblade 2 n’est clairement pas à destination de toutes et tous. Outre les sujets lourds exploités dans le titre, c’est par son rythme plutôt lent, son gameplay rendu a son plus simple appareil au profit de sa narration, et avec sa durée de vie relativement courte qu’il risque de décevoir pas mal de joueuses /joueurs attendant plus de ce titre. Si vous espériez le God Of War de la Xbox, passez votre chemin. Si toutefois vous acceptez de vous laisser porter par une histoire, un message et les multiples sous conférences qu’une œuvre peut vous apporter, vous avez face à vous un jeu qui a le potentiel de marquer l’année 2024 au fer rouge.